Comment la tokenisation des actifs réels fonctionne sur la blockchain

Comment la tokenisation des actifs réels fonctionne sur la blockchain nov., 1 2025

Imaginons que vous puissiez acheter une part d’un immeuble de bureaux à Paris, ou même une partie d’une cargaison de café colombien, avec seulement 50 euros. Ce n’est pas de la science-fiction. C’est ce que permet la tokenisation des actifs réels (RWA). Depuis quelques années, la blockchain a dépassé les cryptomonnaies pour devenir un outil puissant de transformation des marchés financiers traditionnels. Et l’un des changements les plus profonds, c’est la façon dont les actifs physiques - terrains, obligations, œuvres d’art, machines industrielles - sont maintenant convertis en tokens numériques.

Qu’est-ce que la tokenisation des actifs réels ?

La tokenisation, c’est simplement le fait de représenter un actif du monde réel sous forme de jeton numérique sur une blockchain. Un immeuble, une part de société, un titre de créance ou même une cuve de pétrole peut être divisé en milliers de tokens. Chaque token représente une fraction de cet actif, avec des droits légaux attachés. Contrairement à une action traditionnelle, ce token peut être transféré en quelques secondes, 24 heures sur 24, sans intermédiaire bancaire.

Le mot « réel » est important ici. Ce n’est pas un actif virtuel comme un NFT d’image de singe. C’est un actif qui existe physiquement ou juridiquement : un bien immobilier, un prêt, un droit d’auteur, une part de fonds d’investissement. La blockchain ne crée pas la valeur - elle la rend plus accessible, plus liquide et plus transparente.

En 2024, le marché des actifs réels tokenisés a dépassé les 13,5 milliards de dollars, selon Coinbase. Et selon McKinsey, il pourrait atteindre 2 000 milliards d’ici 2030. Pourquoi ? Parce qu’il résout un problème vieux comme la finance : la liquidité. Combien de personnes ont un million d’euros pour acheter un immeuble ? Très peu. Mais 1 000 personnes avec 1 000 euros chacune ? C’est possible.

Les cinq étapes de la tokenisation

Transformer un actif en token, ce n’est pas juste cliquer sur « mint ». C’est un processus rigoureux, qui suit cinq étapes clés.

  1. Sélection de l’actif : On choisit ce qu’on veut tokeniser. Cela peut être un bien immobilier commercial, un portefeuille d’obligations d’État, une collection d’œuvres d’art, ou même des droits de royalties d’un album musical. L’actif doit être clairement défini, évalué, et légalement identifiable.
  2. Définition des jetons : On décide quel type de token utiliser. Pour des actifs divisibles comme des parts de bien immobilier, on utilise des jetons ERC-20 - comme les cryptomonnaies classiques. Pour un objet unique, comme une peinture originale, on utilise un NFT ERC-721. Une nouvelle norme, ERC-3643, est aussi de plus en plus utilisée pour les actifs réglementés, car elle intègre des règles de conformité directement dans le code du jeton.
  3. Choix de la blockchain : Ethereum est le leader, avec ses contrats intelligents matures et sa sécurité éprouvée. Mais il est lent et coûteux (15 à 30 transactions par seconde). Pour des projets institutionnels avec des exigences strictes de confidentialité, on peut opter pour des blockchains privées ou hybrides comme Polygon or Corda. Le choix dépend de la réglementation, du volume d’opérations et du besoin de transparence.
  4. Connexion au monde réel : C’est la partie la plus critique. Un token ne vaut que ce qu’il représente. Si le jeton prétend représenter un immeuble, il faut prouver que l’immeuble existe, qu’il est bien en possession de l’entité qui émet les jetons, et qu’il n’est pas hypothéqué ou saisi. Pour cela, on utilise des oracles comme Chainlink. Ces systèmes connectent la blockchain à des sources externes vérifiées : notaires, registres fonciers, banques, audits. Chainlink est utilisé dans 89 % des projets RWA, selon leur rapport de 2024. Sans cela, le jeton est une illusion.
  5. Émission et garde : Une fois que tout est vérifié, on déploie un contrat intelligent sur la blockchain. Il génère les jetons selon un ratio fixe : 1 jeton = 1 000 € de valeur d’actif. En parallèle, l’actif physique est mis sous garde par un tiers de confiance - souvent une société dédiée appelée SPV (Special Purpose Vehicle). Ce SPV détient légalement l’actif, et les détenteurs de jetons détiennent des droits contractuels sur ce SPV.

Ce processus prend généralement entre 6 et 12 semaines. La moitié du temps est consacrée à la loi, à la réglementation et à la vérification juridique - pas à la technologie.

Cinq vignettes illustrant les étapes de la tokenisation : contrat intelligent, oracle Chainlink, coffre-fort SPV et jetons en création.

Comment ça change la finance ?

Les avantages ne sont pas théoriques. Ils sont mesurables.

Les coûts de transaction tombent de 5 à 7 % dans les transactions immobilières traditionnelles à moins de 2 % avec la tokenisation. C’est ce qu’a montré RealT en 2023, après avoir tokenisé un immeuble de 22 millions de dollars sur Ethereum. Le délai de règlement est passé de 30 jours à moins de 24 heures.

La transparence est totale. Chaque transfert de jeton est enregistré sur la blockchain. Tout le monde peut vérifier l’historique des propriétaires, sans accéder aux identités réelles - grâce à la cryptographie. Cela réduit la fraude, les erreurs administratives et les litiges.

Et surtout, l’accès s’élargit. Avant, seuls les riches pouvaient investir dans des biens immobiliers commerciaux ou des fonds de rente. Aujourd’hui, un étudiant en France peut acheter 10 jetons d’un immeuble à Lyon pour 10 000 €, et recevoir une part des loyers chaque mois. Un artiste indépendant a tokenisé ses droits d’auteur sur un album et levé 3,2 millions de dollars auprès de 1 200 petits investisseurs. Ce n’est plus une question de capital, mais de participation.

Les défis réels

Malgré tout ce potentiel, la majorité des projets RWA échouent.

En 2024, seulement 15 % des projets annoncés ont atteint la production. Pourquoi ? Trois obstacles dominent.

  • La réglementation : 78 % des projets en échec ont été bloqués par des lois sur les valeurs mobilières. Dans l’UE, la loi MiCA (entrée en vigueur en juin 2024) a apporté un cadre clair. Aux États-Unis, la SEC a intenté 17 actions en justice contre des projets non conformes. En France, la réglementation est encore floue. Un jeton est-il une action ? Un titre de créance ? Une simple promesse ? Cela change tout.
  • La garde des actifs : Qui garde l’immeuble, le tableau ou le brevet ? Si la société qui détient l’actif fait faillite, les jetons deviennent-ils inutiles ? Les investisseurs craignent ce risque. 63 % des critiques sur Reddit mentionnent des problèmes de vérification de garde.
  • La fragmentation de la liquidité : Un jeton d’immeuble sur Ethereum ne peut pas être échangé sur Solana ou Polygon. Les marchés sont isolés. Cela limite la taille des marchés. Mais une avancée majeure est arrivée en début d’année 2024 : Chainlink a lancé CCIP 2.0, un protocole qui permet aux jetons RWA de circuler entre 14 blockchains. C’est un tournant.
Un étudiant français reçoit des loyers sous forme de jetons numériques, tandis que des blockchains se connectent au fond du ciel.

Qui investit ? Et qui le fait déjà ?

Les grands acteurs ne sont plus en observation. Ils sont en action.

BlackRock a lancé BUIDL en mars 2024, un fonds tokenisé sur la blockchain de Coinbase. Franklin Templeton a tokenisé 340 millions de dollars en fonds monétaires en octobre 2023. JPMorgan utilise son propre système, JPM Coin, pour des transferts interbancaires en temps réel.

Les investisseurs institutionnels représentent 68 % du volume des transactions RWA. Mais les particuliers montent en puissance : leur participation a augmenté de 45 % en un an, grâce à des plateformes comme RealT, Propy ou Securitize. Securitize gère déjà 1,2 milliard de dollars d’actifs tokenisés.

Et ce n’est pas que l’immobilier. Les obligations d’État représentent 28 % du marché, les matières premières 19 %. En Inde, une intégration avec l’autorité nationale de reporting financier a permis de tokeniser des récoltes agricoles - 87 millions de dollars échangés en trois mois.

Et après ?

La prochaine étape ? La convergence avec les monnaies numériques de banques centrales (CBDC). La Suisse et Singapour testent déjà des systèmes où les jetons RWA sont réglés en temps réel avec des CBDC. Cela éliminerait presque tout risque de règlement - la dernière barrière technique. Selon la Banque des règlements internationaux, cela pourrait réduire les risques de 90 %.

Le futur n’est pas une blockchain remplie de jetons sans valeur. C’est un écosystème où les actifs du monde réel - les maisons, les usines, les brevets, les terres - sont connectés à un réseau global, transparent, et accessible à tous. Ce n’est pas la fin de la finance traditionnelle. C’est son évolution la plus profonde depuis la création des bourses.

La tokenisation n’est pas un outil pour les technophiles. C’est un levier pour rééquilibrer l’accès à la richesse. Et elle est déjà en marche.

Quelle est la différence entre un token RWA et un NFT classique ?

Un NFT classique représente souvent un bien numérique unique, comme une image ou une musique. Un token RWA, lui, représente une fraction d’un actif réel - un bien immobilier, une obligation, une part d’entreprise. La valeur d’un RWA vient de l’actif physique ou juridique sous-jacent, pas de la rareté ou de la popularité. Les NFT peuvent être spéculatifs. Les RWA sont conçus pour refléter une valeur réelle et mesurable.

Puis-je investir dans des RWA en France ?

Oui, mais avec prudence. Il n’existe pas encore de cadre français clair pour les RWA. Vous pouvez investir via des plateformes étrangères comme RealT ou Securitize, mais vous devez comprendre que votre investissement est soumis à la réglementation du pays où l’actif est tokenisé. En France, la réglementation est en cours d’élaboration. Il est recommandé de consulter un conseiller financier avant d’investir.

Les tokens RWA sont-ils sécurisés ?

La blockchain elle-même est très sécurisée. Mais le risque ne vient pas de la technologie, mais de l’actif sous-jacent. Si la société qui détient l’immeuble ou le brevet fait faillite, ou si les oracles fournissent des données erronées, le jeton perd sa valeur. La sécurité dépend de la qualité de la vérification externe, de la légalité du SPV et de la fiabilité des oracles comme Chainlink. Il n’y a pas de sécurité absolue - seulement des processus bien conçus.

Pourquoi Ethereum est-il le leader pour les RWA ?

Ethereum a le plus grand écosystème de contrats intelligents vérifiés, des outils matures comme ERC-20 et ERC-3643, et une communauté de développeurs et d’auditeurs la plus importante au monde. Même s’il est plus lent et plus cher que d’autres blockchains, sa sécurité et sa transparence en font le choix privilégié pour les projets institutionnels. 85 % des RWA utilisent des jetons ERC-20, selon Tokeny.

Les RWA vont-ils remplacer les actions et obligations traditionnelles ?

Pas les remplacer - mais les compléter. Les marchés traditionnels ont des infrastructures, des régulations et des fidélités profondes. Les RWA offrent une alternative plus fluide, plus accessible et plus transparente. À long terme, les deux coexisteront. Mais les jeunes générations, les investisseurs institutionnels et les marchés émergents adopteront de plus en plus les RWA, car ils répondent à des besoins que la finance traditionnelle ne satisfait plus.

2 Commentaires

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    Blanche Dumass

    novembre 2, 2025 AT 14:29

    Ça me fait penser à une révolution silencieuse… On a toujours cru que la richesse était un privilège de ceux qui avaient les mains pleines. Mais là, un étudiant peut avoir une part d’un immeuble à Paris. C’est presque poétique, non ? La technologie ne détruit pas la finance - elle la rend plus humaine.

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    Philippe Foubert

    novembre 3, 2025 AT 16:28

    Bro, RWA c’est le futur, point. ERC-3643 c’est le vrai game-changer, pas ces trucs ERC-20 qui trainent depuis 2017. Chainlink oracles ? Oui. SPV ? Oui. Mais la vraie question, c’est : qui garde la clé privée du SPV ? Si c’est un banquier en costume, on est pas sortis de l’auberge. #DeFiButMakeItLegal

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