Politique cryptomonnaie de la Banque Centrale de Tunisie: bilan, cadre et perspectives 2025

Analyse de la Politique Cryptomonnaie en Tunisie
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Depuis 2018, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) est l’autorité qui a instauré l’interdiction totale des transactions en crypto‑actifs sur le territoire national. Cette décision, prise dans un contexte de fuite de capitaux et de risques de blanchiment, place la Tunisie parmi les rares pays à maintenir une politique cryptomonnaie Tunisie strictement prohibitive. Pourtant, derrière ce verrou, la BCT exploite un sandbox blockchain programme d’expérimentation encadrée visant à tester des solutions basées sur la technologie des registres distribués. L’article décortique les origines, le dispositif actuel et les scénarios d’évolution possibles, afin que vous sachiez exactement où en est la régulation tunisienne en 2025.
Résumé rapide
- Interdiction totale des transactions en crypto depuis mai 2018; sanctions allant jusqu’à 5ans d’emprisonnement.
- Le sandbox autorise un nombre limité de fintech à tester la blockchain sous supervision depuis 2020.
- Pas de CBDC officiel, mais un prototype d’e‑Dinar étudié en 2019.
- Le cadre légal implique la BCT, le Ministère des TIC & Économie Numérique et le Conseil du Marché Financier.
- Des perspectives de souplesse: discussions ministérielles depuis 2021, mais aucune modification concrète à ce jour.
Historique de la politique cryptomonnaie en Tunisie
Entre 2013 et 2017, le marché tunisien était quasi invisible: des échanges de Bitcoin se faisaient dans des groupes de messagerie sans surveillance officielle. Cette zone grise a pris fin avec le décret de mai 2018 qui a explicitement interdit toute forme d’échange, de paiement ou de détention de cryptomonnaies sans autorisation de l’État. La décision s’appuyait sur deux constats majeurs: la crainte d’une fuite de capitaux hors du dinar tunisien et le risque de financement du terrorisme. Le même texte a donné aux douanes le pouvoir de saisir le matériel de minage à la frontière.
Un premier rebondissement est apparu en 2019 lorsqu’une équipe de la BCT a testé un CBDC e‑Dinar, monnaie digitale émise par la banque centrale. Le projet n’a jamais dépassé le stade de la preuve de concept, mais il a montré un intérêt latent pour les solutions numériques. En 2021, un adolescent a été incarcéré pour un échange de quelques dizaines de dollars en Bitcoin, déclenchant des débats au sein du cabinet ministériel sur la possible décriminalisation de petits usagers. Aucun changement législatif n’a suivi, mais la discussion a laissé une trace dans les mémoires.
Cadre réglementaire actuel
Le dispositif de 2018 reste en vigueur et se décline en plusieurs volets:
- Interdiction des paiements en crypto: les commerçants ne peuvent pas accepter de pièces numériques comme moyen de règlement.
- Interdiction du minage: l’importation d’équipements ASIC est illégale et les douanes peuvent confisquer tout matériel suspect.
- Interdiction des plateformes d’échange: aucune licence ne peut être délivrée pour opérer une bourse de crypto‑actifs.
- Sanctions pénales: jusqu’à 5ans de prison et des amendes importantes pour les contrevenants, tant physiques que moraux.
Sur le plan législatif, le cadre s’appuie sur la loi de 2016 qui garantit l’indépendance de la BCT (exigence de l’accord de prêt du FMI en 2013) et sur le code monétaire et financier qui encadre les opérations de change. Le Conseil du Marché Financier (CMF) organe de supervision des marchés de capitaux, chargé de réguler les titres tokenisés en cas de levée du blocage reste en veille.

Institutions et gouvernance
La politique cryptomonnaie tunisienne repose sur une collaboration étroite entre trois acteurs majeurs:
- Banque Centrale de Tunisie autorité monétaire qui définit la prohibition et supervise le sandbox.
- Ministère des TIC & Économie Numérique responsable de la stratégie digitale nationale, incluant le projet Digital Tunisie 2025.
- Conseil du Marché Financier (CMF) organe de régulation des valeurs mobilières, qui interviendrait si les tokens deviennent légaux.
Chaque entité a un rôle clairement défini: la BCT concentre le contrôle monétaire, le ministère pilote les initiatives technologiques, et le CMF assure la conformité des actifs financiers futurs.
Sandbox blockchain : expérimentation sous contrôle
Depuis 2020, la BCT met à disposition un programme de sandbox qui autorise des fintech à tester des cas d’usage blockchain en environnement restreint. Les modalités sont strictes:
- Durée de 6 à 12mois par cohort.
- Limite de volume transactionnel (quelques dizaines de milliers de dinars).
- Obligation d’héberger l’infrastructure à l’extérieur du territoire pour éviter le contournement du blocage.
Parmi les startups sélectionnées, on retrouve:
- VFunder - plateforme de financement participatif créatif.
- HydroE‑Blocks - solution de suivi carbone basée sur la blockchain.
- NoPhobos - dispositif d’émission de NFTs générés par IA.
Ces projets n’utilisent pas les cryptomonnaies comme monnaie d’échange, mais exploitent la technologie blockchain registre distribué garantissant la traçabilité et l’immuabilité des données pour des cas d’usage publics (supply‑chain, registre foncier, subventions).
Comparaison régionale: où se situe la Tunisie?
Pays | Statut crypto (interdiction / restriction) | Sandbox blockchain officiel | Projet CBDC |
---|---|---|---|
Algérie | Interdiction totale | Non | En étude |
Maroc | Interdiction totale | Non | Projet pilote 2024 |
Égypte | Restriction: interdiction de paiement, échange autorisé sous licence | Oui, depuis 2022 | Egyptian Digital Pound (phase 1) |
Arabie Saoudite | Régulation stricte, licences limitées | Oui, programme «FinTech Saudi» | e‑Riyal (en cours) |
Tunisie | Interdiction totale (décret 2018) | Oui, BCT Sandbox depuis 2020 | E‑Dinar prototype 2019 (non déployé) |
La Tunisie partage la sévérité de l’interdiction avec l’Algérie et le Maroc, mais se démarque par le sandbox qui montre une volonté d’expérimenter la blockchain sans autoriser les cryptomonnaies publiques. Cette double approche est rare dans le bassin et pourrait servir de modèle de transition.
Perspectives et scénarios d’évolution
Plusieurs facteurs pourraient influencer un assouplissement de la politique:
- Pressions économiques: la diminution des réserves de change et la hausse du financement externe pourraient pousser le gouvernement à chercher des sources alternatives de liquidité, y compris les actifs numériques.
- Débats institutionnels: les discussions amorcées en 2021 après l’incarcération du jeune ont laissé la porte ouverte à une possible décriminalisation des petites transactions.
- Succès du sandbox: si les projets pilotes démontrent des gains d’efficacité (traçabilité de subvention, réduction de fraude), la BCT pourrait élargir le périmètre et envisager une forme de tokenisation autorisée.
- Environnement régional: les initiatives de CBDC des voisins (Égypte, Arabie Saoudite) créeront des comparaisons directes et pourraient inciter la Tunisie à reconsidérer son approche.
Deux scénarios principaux se dessinent:
- Scénario conservateur: maintien de l’interdiction avec seulement le sandbox comme filet d’expérimentation. Les sanctions restent strictes, mais les autorités offrent davantage de clarifications sur les procédures d’obtention d’exemptions.
- Scénario progressif: adoption graduelle d’un cadre «licence limitée», permettant aux fintech de proposer des services de paiement en stablecoins émis par une entité publique, tout en conservant le contrôle monétaire.
Pour l’instant, la BCT n’a annoncé aucune évolution officielle, mais les signaux du ministère et les rapports du groupe FSB MENA indiquent que la discussion est vivante. Les observateurs recommandent aux acteurs locaux de préparer des dossiers de conformité dès maintenant, notamment en matière de KYC/AML, afin d’être prêts si le cadre s’assouplit.

Foire aux Questions
La Tunisie autorise‑t‑elle le minage de cryptomonnaies?
Non. Depuis le décret de 2018, l’importation d’équipements de minage (ASIC, GPU) est interdite et les douanes peuvent les saisir. Le minage domestique sans matériel importé est considéré comme une violation du contrôle des changes.
Quelles sanctions encourent les particuliers qui possèdent des cryptomonnaies?
Le code monétaire prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et des amendes pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers de dinars. La sévérité dépend du montant et de l’intention de transférer les actifs hors du pays.
Le sandbox de la BCT est‑il ouvert aux projets étrangers?
Oui, à condition que le projet soit domicilié à l’étranger, que le volume d’opérations reste limité et que le consortium soumette un dossier complet incluant KYC/AML. Les startups tunisiennes participent souvent via une entité offshore.
Un e‑Dinar est‑il prévu dans les prochains mois?
Après le prototype de 2019, la BCT n’a pas annoncé de calendrier officiel. Le projet reste en phase de recherche, tandis que les discussions portent sur la viabilité d’une CBDC dans le cadre de la stratégie Digital Tunisie 2025.
Comment la Tunisie se compare‑t‑elle aux autres pays du Maghreb en matière de crypto?
Algérie et Maroc appliquent également une interdiction totale, mais aucun d’eux ne propose de sandbox. L’Égypte, plus souple, autorise les licences d’échange sous strict contrôle. La Tunisie se situe donc au croisement d’une prohibition stricte et d’une expérimentation contrôlée via le sandbox.